Saïd Mestiri n’est plus mais il a tant été : chirurgien, enseignant, historien, humaniste. Il faut avoir eu la chance d’approcher cet homme discret et courtois pour comprendre que tous les hommages qui lui sont rendus depuis qu’il nous a quittés sont en deça de ceux qu’il mérite. Bien qu’ayant eu l’avantage de le rencontrer à quelques trop rares occasions, je l’ai surtout côtoyé à travers ses livres qui, à chaque parution, sont venus combler un vide voire réparer une injustice. En effet, durant plus de 20 ans, le Professeur Saïd Mestiri s’est dévoué à tirer de l’oubli ou du moins à dépoussiérer la mémoire de trois immenses personnalités : M’hamed Chenik, Moncef Bey, et Moncef Mestiri. Le premier fut, à deux reprises, Premier ministre sous le protectorat mais témoigna tout au long de sa vie d’un sens patriotique et d’un courage remarquable. Saïd Mestiri, son gendre et son meilleur biographe, a su nous restituer le parcours de cet homme trop méconnu en dépit de ses immenses mérites. M’hamed Chenik fut, notamment, le Premier ministre de Moncef Bey auquel le regretté Saïd Mestiri vouait une admiration sans bornes. De cet amour est né un ouvrage, plusieurs fois augmenté et réédité, incontournable pour celui qui s’intéresse à ce monarque attachant et patriote. La dernière grande œuvre du professeur Saïd Mestiri est celle qu’il a consacré à son oncle, le grand militant et journaliste Moncef Mestiri ; ce dernier victime d’un travail d’occultation sous Bourguiba en raison de son appartenance au Vieux Destour et de son franc parler a trouvé sous la plume élégante et savante du regretté Saïd Mestiri le biographe qu’il méritait depuis si longtemps. Sans cet acte de justice commis par le grand disparu, la mémoire d’un homme aussi singulier et estimable que Moncef Mestiri aurait succombé aux ravages de l’oubli et de l’ignorance. Avant de se lancer, à un âge relativement avancé, dans la recherche historique, le Professeur Mestiri dédia plus de 60 ans de son existence à soigner et à transmettre le savoir médical à des générations de médecins. Il peut maintenant reposer en paix après avoir tant donné à la nation. Il restera, pour toujours, un modèle de supériorité intellectuelle et morale dans une Tunisie qui en a cruellement besoin.
Quittons la planète des géants pour faire une brève excursion dans celle des nains. Pour attirer sur sa petite personne un peu de lumière, l’ancien « ministricule » des affaires foncières sous la calamiteuse Troïka, Slim Ben Hmidène, a tenté de profaner la statue du commandeur. Dans un effort de réflexion surhumain, l’ancien ministre par accident, s’interroge sur l’héritage bourguibien au moyen d’une phrase dont on appréciera la luminosité et le bon goût : « S’agissant de Bourguiba, sommes-nous devant un géant réformateur ou un assassin odieux ?». Il faut avoir du toupet et une sacrée dose d’impudence pour s’en prendre avec autant de bassesse à celui à qui on doit ses deux doigts de culture et le peu d’éducation acquise. Ce ne sont pas les interrogations filandreuses d’un responsable météorite dans un gouvernement d’incapables qui vont porter ombrage à la mémoire d’un « géant réformateur » comme le dit si bien ex-maître Ben Hmidène. Quant aux assassins, si ma mémoire est bonne, c’est bien lorsqu’il était au pouvoir qu’ils sévissaient et qu’ils continuent à le faire. Je ne m’étendrais pas sur les responsabilités morales et politiques du gouvernement auquel il avait l’honneur d’appartenir, persuadé que je suis qu’un jour viendra où toute la lumière sera faite. Je ne peux cacher, rétrospectivement, ma satisfaction de savoir que le Conseil de l’ordre des avocats a invalidé l’inscription au Barreau de ce triste Sire pour défaut des critères légaux. Je préfère, de loin, savoir que je suis le confrère du fameux Maître Habib Bourguiba que celui d’un petit taggeur de stèles.